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Dahlia Lalande

QUE PENSEZ-VOUS DU CONTEXTE POLITIQUE ACTUEL ?

Est-ce qu’un jour au moins, je me suis intéressée à la politique ? Ce serait me mentir à moi-même que d’affirmer que c’est un sujet où je me sens à l’aise. Mais après tout, je crois que peu de gens comprennent tout à la politique. On a juste le choix de le subir ou d’essayer de renverser la tendance. Et là, j’ai choisi de le subir : Je profite ainsi honteusement de ma chanceuse condition de mutante presque invisible, tout en évitant toujours le contact physique avec les autres. Heureusement pour moi, je ne perds rien.
 

COMMENT AVEZ-VOUS VÉCU L'ANNONCE DE VOTRE DIFFÉRENCE ?

C'est sûrement idiot, mais je pense bien avoir toujours connu ma différence, ou au moins je me doutais qu'il y avait quelque chose qui clochait. Mes craintes furent confirmées quand j'ai aperçu une personne m'attendre devant le porche de chez moi alors que je rentrais des cours. Une intuition me murmurait que c'était pour mon "anomalie" qu'il était là, et je ne me sentais pas même pas particulièrement choquée, tout du moins j'essayais de montrer cela. Mais mon souffle court devait me trahir. C'est effrayant de voir toute sa vie défiler devant ses yeux pour te rappeler que tu n'as jamais été comme les autres.
 

COMMENT VIVEZ-VOUS VOTRE DIFFÉRENCE AUJOURD'HUI 


C'est éprouvant de devoir se tenir toujours éloignée des autres pour ne pas les blesser avec mes émotions, mais parfois j'aimerais pouvoir l'utiliser positivement. Pouvoir partager un peu mes joies aussi. Mais j'aime tout de même cette particularité que j'ai, aussi étrange soit-elle, ça me plaît.
 

QUEL EST VOTRE NIVEAU DE MAÎTRISE ?

Non, je ne maîtrise définitivement pas mon pouvoir. Chaque petite secousse me mets dans des états ingérables, et mes congénères souffriront tout autant de ces inconstances si ils se retrouvent trop proches de moi. Pour l'instant, je suis simplement un échantillon de malheur pour tout ceux que je croise.
 

QUEL EST VOTRE NIVEAU DE PUISSANCE, SELON VOUS ?

Je ne me sens pas spécifiquement puissante ou invulnérable : Je ne peux ni soigner, ni tuer à l'aide de mes pouvoirs. Mais malgré ça, je ne me sens pas inutile pour autant, et je sens que je pourrais tenter bien plus de choses, et que ça pourrait amener de plus grandes choses.

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Mon pouvoir, je l'appelle l'hypersensibilité communicative. De fait, je ressens toutes mes émotions plus fortement que la moyenne des gens, une particularité qui n'en est plus tant une aujourd'hui : Je sais bien que je ne suis pas la seule comme ça, et cela me rassure d'une certaine façon. En revanche, le fait que dès qu’une personne entre en contact avec ma peau, celle-ci ressente la même chose que moi, à la même intensité, cela est plus original. Une sorte de don, mais aussi un poids. Imaginez la culpabilité lorsque enfant, une simple égratignure au genou me faisait pleurer moi, mais également mes camarades compatissants, venant me tapoter l'épaule. Et ça, ce fut toute mon enfance remplie d'incompréhension, et de colère que je ne pouvais décemment pas garder pour moi puisque je semblais énerver également tout les gens qui osaient m'approcher de trop près.

feel what i feel

Au plus lointain souvenir de ma vie... Je sens des larmes et entends le vacarme de mes propres cris m'entourant. Comme si c'était hier, je me rappelle de tout ce que j'ai ressenti, ancré en moi à jamais. Est-ce normal d'avoir un souvenir de sa propre naissance ? Je ne saurais me dire si j'ai imaginé ce que je ressens, mais j'ai la ferme impression que non, tout me semble si réel, du toucher de ma peau contre celle de ma mère au son rassurant des paroles vides de sens, tout du moins pour moi à ce moment, prononcées par tout ces gens qui nous entouraient.


Pas de père, ça me semblait évident. Je n'en ressentais, aussi étrangement que ça m'ai toujours paru, aucun manque. Tandis que j'étais violemment affectée lorsqu'on m'apprenait que les animaux pouvaient mourir, je n'ai jamais pleuré l'absence d'une présence paternelle. Pourquoi les animaux devaient-ils mourir ? Pourquoi nous aussi, on devait quitter ce monde un jour ? J'ai donc expériencé le deuil la première fois à 3 ans, lorsque la petite chenille que j'ai adopté n'a jamais eu le temps de se transformer en papillon. Quand j'ai compris que je ne la verrais plus se remuer joyeusement, j'ai fondu en larmes pendant des heures sans m'arrêter. Tout ça aurait été plus simple si mon état n'avait pas également fait pleurer toutes les larmes de son corps à ma mère, qui ne comprenait pas pourquoi elle-même était si touchée par mon deuil qui lui semblait pourtant ridicule. Je m'étais finalement fait une raison, et alla la consoler, tant je me sentais coupable de la situation. Je soupçonnais déjà son attitude d'être de ma responsabilité.


Tout s'accéléra à mon entrée dans le monde de l'école, si imprévisible, si éphèmère. Les adultes qui tremblaient autant de peur que moi, ça ne me rassurais pas. J'ai commencé à comprendre que je ne voulais plus être approchée par personne, que j'avais un effet indésirable sur eux. On disait que je portais la poisse, et plus on me le disais, plus je me renfermais. Mais la désolation précède souvent l'euphorie des rencontres les plus innatendues : Je ne sais peut-être même plus quel jour c'était lorsque je l'avais vu pour la première fois, rayonnante de bonheur, loin de moi. Mais sa présence distante me faisait m'épanouir plus vite qu'une fleur baignée de soleil. Penser à elle aujourd'hui me faisait un pincement douloureux au coeur. Jamais je n'ai osé m'approcher de son aura positive. Aurore, même son prénom était aussi lumineux qu'elle. C'était définitivement une belle époque de ma vie, à me perdre dans l'ombre d'une personne qui ne me connaissais même pas.

Serait-ce donc ça toute ma pauvre vie ? Vivre par procuration derrière la voix d'autres personnes, extraverties et profitant pleinement de leur existence, sans aucune étrangeté à cacher des autres ? Mais j'avais beau ne plus vouloir m'en contenter, le vouloir ne suffisait pas.

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